UN SIÈCLE DÉLAISSÉ: LE XIXe (1815-1914)

par André ARMENGAUD

Qu'il soit possible, grâce notamment à un dépouillement métho¬ dique des registres paroissiaux, de connaître la démographie de la France d'Ancien Régime, c'est là, sans doute, la découverte majeure des vingt dernières années dans le domaine de l'histoire de la population, découverte dont le mérite revient sans conteste à deux présidents suc¬ cessifs de la Société de démographie historique, Pierre Goubert et Louis Henry. Le nouveau champ ainsi ouvert aux investigations des historiens a attiré de nombreux chercheurs, et l'on ne pourrait que s'en réjouir, si du même coup la démographie du xixe siècle, encore bien imparfaitement connue, quoi qu'en puissent penser certains esprits superficiels ou mal informés, n'apparaissait comme singulièrement délaissée. Il suffit, pour s'en convaincre, de considérer les publications qui lui ont été consacrées au cours des dix dernières années.

En effet, alors que la décennie précédente avait été marquée par la parution de quelques œuvres majeures, dues à Charles H. Pouthas 1 et à Louis Chevalier2, on ne peut citer depuis 1960 aucun ouvrage de semblable importance entièrement consacré à l'histoire de la popula¬ tion française au cours du siècle écoulé. Celui-ci n'a été le plus souvent abordé que dans le cadre de travaux consacrés pour l'essentiel à la période antérieure ; les auteurs de quelques monographies de démo¬ graphie historique, et il faut les en féliciter, ont su vaincre le gros obstacle que représentait la laïcisation de l'état civil en 1792, et, plus généralement, la perturbation apportée à la tenue des registres par la Révolution et par les guerres de la période 1792-1815. Ces auteurs ont donc étudié à la fois, en tout ou en partie, et le xvme et le XIXe siècles, sans d'ailleurs que leurs travaux aient apporté encore des lumières