Géographie historique de la Roumanie

LES CONCENTRATIONS DÉMOGRAPHIQUES ET LEUR SIGNIFICATION HISTORIQUE

par Stefan STEFANESCU

Après le retrait de l'administration romaine, la Dacie a connu — dans les conditions créées par la migration des peuples «bar¬ bares » — un processus de ruralisation, de transfert du centre de la vie économique des villes vers les campagnes, et aussi un phénomène de concentration démographique dans les territoires protégés par la nature. En premier lieu, dans la région montagneuse des Carpates et dans les collines subcarpatiques, mais également dans les parties forestières de la plaine (telle la contrée boisée sise entre le Baragan et la campagne de Teleorman) ou dans la région des étangs et des bouches du Danube, couverte d'une abondante végétation.

Dans le milieu rural de Dacie, une certaine forme d'organisation, qui avait prouvé sa vitalité durant la domination romaine et pouvait continuer à servir, s'est conservée. Il s'agit des communautés villa¬ geoises des paysans libres, qui s'étaient consolidées au contact des peuples migrateurs. Leurs chefs nommés juzi ou judeci — du latin judices (preuve de l'ancienneté et de la nature de l'institution) — étaient en même temps juges des litiges entre les membres de la communauté.

Des nécessités économiques et défensives ont conduit au grou¬ pement des communautés de village, à la création de confédérations ou unions de communautés. Elles correspondaient à certaines unités géographiques — vallées ou régions fermées — ayant une vie écono¬ mique commune, appelées «tara » (pays), du latin terra (Tara Mara-muresului, Tara Bîrsei, Tara Lovistei, Tara Hategului, Tara Motilor, etc.). A leur tête se trouvait le duce (du latin dux) ou voïvode (terme slave), dont la fonction principale était d'ordre militaire.

On trouve ces dénominations de «pays », mentionnées dans les sources historiques et conservées encore de nos jours dans le langage courant, surtout dans la région des Carpates, que l'on appelle d'une