Couverture fascicule

Barbara H. Rosenwein, Negociating space. Power, restraint and privileges of immunity in early medieval Europe

[compte-rendu]

Année 2001 40 pp. 175-177
Fait partie d'un numéro thématique : Rome des jubilés
doc-ctrl/global/pdfdoc-ctrl/global/pdf
doc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/resetdoc-ctrl/global/reset
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
Page 175

NOTES DE LECTURE 175

Barbara H. Rosenwein, Negociating space. Power, restraint and privileges of immunity in early medieval Europe, Cornell University Press, Ithaca, 1999, 267 p. Parmi les instruments de gouvernement dont disposent les pouvoirs du haut Moyen Âge, l'immunité et l'exemption sont les plus connus. Ils sont en règle générale analysés comme les moyens par lesquels les pouvoirs successifs se sont affaiblis : immunité et exemption transférant des droits à des institutions ou à des personnes privées détruiraient ainsi la notion même de puissance publique, contraignant, presque mécaniquement, les bénéficiaires à exercer les droits que le roi reverse sur eux. La perspective adoptée par Barbara Rosenwein dans cet ouvrage est tout autre. Les diplômes sont pour elle d'abord ce qu'ils semblent être : des instruments de gouvernement qui sont peut-être moins pauvres, moins dérisoires et moins contradictoires que ce que l'on pourrait croire à première vue. Dans un ouvrage éblouissant d'intelligence et étourdissant d'érudition, elle montre toute leur importance dans la construction et la gestion du pouvoir du haut Moyen Âge. B. Rosenwein se place dans la longue durée, c'est-à-dire qu'elle analyse l'évolution de l'immunité en partant du legs juridique romain et du droit conciliaire ancien et s'arrête à la réforme grégorienne. La méthode est limpide, et d'une efficacité remarquable. L'auteur constitue, pour chaque tranche chronologique considérée, un dossier dont elle montre l'exemplarité et insère son analyse détaillée dans un discours général. L'accroche de l'analyse se déplace de la Neustrie mérovingienne à l'Austrasie pippinide et carolingienne, à l'Italie post-carolingienne de Bérenger et, enfin, à Cluny à la fin du xp siècle. L'immunité mérovingienne est un paradoxe. Elle exprime toujours, parfois au milieu des pires désordres, la sérénité du roi et la continuité de son pouvoir. Le roi offre des biens et en garantit la possession d'abord contre ses propres agents, empêchés d'entrer pour exercer leur fonction sur les terres concernées. Ce qu'il donne alors, c'est d'abord la paix, et ce qu'il assure, c'est la stabilité de la propriété. Cela appelle de la part du donataire une contrepartie. Un monastère offrira naturellement ses prières, mais pas seulement : le contre-don doit en effet être obligatoirement de même nature que le don. Établissements religieux et personnalités laïques doivent donc, en contrepartie, offrir leur amitié, que l'on raisonne en termes politiques ou en termes affectifs. Ce ne sont pas seulement des biens qui sont en cause, mais des valeurs, et, au premier chef, celles qui servent à assurer la paix et la concorde. La reconnaissance du bénéficiaire, comme son amitié, doivent se marquer par des gestes concrets qui signifient l'existence d'une véritable alliance politique entre les deux parties. Autrement dit, bien loin de placer le territoire hors de portée du pouvoir central et de ses agents, l'immunité rapproche physiquement et moralement le concédant et le concessionnaire. Par ailleurs, le souverain n'agit pas au hasard. Il évalue et tient compte de la nécessité de renouveler ses ressources. L'immunité mérovingienne n'offre pas à son bénéficiaire de territoires à gouverner, elle se contente de faire passer des domaines d'un possesseur à un autre et de protéger la saisine du bien contre les abus de pouvoir des agents du roi. Cet aspect des choses nous vaut de pénétrantes analyses sur la nature de la propriété mérovingienne, qui prolongent celles que B. Rosenwein avait déjà présentées dans son précédent ouvrage5.

5. To be the Neighbor of Saint Peter. The Social meaning of Cluny' s property, 909-1049, Ithaca et Londres, 1989.

doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw