Médiévales 40, printemps 2001, p. 83-100

Julia M. H. SMITH

L'ACCES DES FEMMES AUX SAINTES RELIQUES DURANT LE HAUT MOYEN ÂGE*

Adrevald de Fleury raconte comment l'abbé Boson de Fleury, rendant visite à Hilduin abbé de Saint-Denis entre 827 et 840, lui demanda et obtint de lui des reliques des saints patrons de Saint-Denis (Denis, Rustique et Eleuthère), ainsi que des reliques de saint Sébastien récemment acquises par Hilduin. Sur la route du retour, alors que Boson se trouvait entre Paris et Orléans, une foule d'hommes et de femmes accourut pour escorter les reliques, dans l'attente de miracles. Une fois qu'ils furent arrivés à Fleury, on déposa les reliques dans le monastère, mais la foule dut rester à l'extérieur de la clôture. Adrevald explique que « suivant les anciennes autorités, les femmes ne pouvaient en aucune circonstance franchir la clôture extérieure du monastère ' ». De fait, la politique monastique menée à partir du début du IXe siècle suppose de réglementer strictement l'accès des laïcs au monde du cloître ; à cette première restriction, un nombre considérable de monastères du IXe siècle (mais pas tous) en ajoute une autre interdisant aux femmes d'accéder aux sanctuaires contenant des reliques et leur laissant le soin de trouver leur propre façon de vénérer les saints sans s'approcher de leur tombeau.

Contrairement à ce qu'on pourrait penser à première vuev ce n'est pas là une marque de misogynie des clercs carolingiens. A Fleury comme ailleurs, on invoquait souvent, pour justifier l'exclusion des femmes, les coutumes monastiques anciennes et la nécessaire continuité avec les pratiques du passé. J'aimerais montrer qu'il ne s'agissait pas d'une vaine rhétorique destinée à masquer un changement malvenu. Pour comprendre le dilemme d'un abbé carolingien confronté à des