Le Millénaire monastique du Mont Saint-Michel1

La Société parisienne d'histoire et d'archéologie normandes a voulu commémorer par une importante publication le Millénaire de l'arrivée des moines au Mont Saint-Michel. Nous lui devons un monument de tout premier ordre. Pour éviter le caractère disparate de la plupart des « Mélanges », la Commission scientifique présidée par L. Musset, professeur à l'Université de Caen, a tenu à ce que les articles des recueils s'ordonnent dans un plan bien déterminé. D'ores et déjà, quatre des six volumes que comprendra ce Millénaire monastique sont parus : chacun d'eux a été placé sous la direction d'un responsable qui a coordonné les efforts des spécialistes sollicités pour cette imposante entreprise. Malgré la diversité et parfois la technicité de certains articles, l'ensemble présente une remarquable unité qui projette un éclairage nouveau sur l'histoire politique, religieuse, intellectuelle et artistique de ce haut-lieu de la spiritualité occidentale. Que l'on nous pardonne d'avoir tenu à faire un compte rendu assez complet des articles figurant dans ces quatre volumes. Nous y avons été incité (et aidé) par l'unité de conception qui préside à la composition de chaque ouvrage et qui se dégage même de chacune des parties.

Le tome I réalisé sous la direction de Dom J. Laporte, de l'abbaye de Saint- Wandrille, est consacré à Y Histoire et à la vie monastique du Mont Saint-Michel. A la lecture des 824 pages de cet ouvrage, l'histoire politique et religieuse du Mont nous apparaît à l'image même de son isolement géographique. Capable de s'ouvrir aux nouveautés venues de toutes les régions de l'Occident chrétien, le monastère a su, parfois par la révolte, conserver ses particularismes face aux prétentions centralisatrices du pouvoir temporel ou du pouvoir ecclésiastique. Cet îlot « au péril de la mer » a bénéficié de la complicité de la nature pour se maintenir à l'abri des grandes tourmentes de l'histoire et à l'écart des périls venus de la terre.

La première partie (p. 11-284) présente un « survol historique » qui situe le monastère montois dans la trame des grands événements survenus en Normandie et en France du VIe au xvine s. Ces neuf chapitres consacrés à l'histoire du Mont font un examen critique des positions traditionnelles, leur apportant tantôt une confirmation, tantôt une précision nouvelle à partir des plus récents travaux de recherche. Dom J. Hourlier et M. l'abbé Lelégard ont réussi à percer les ténèbres qui entourent la protohistoire du Mont Saint-Michel : le premier (ch. I, p. 13-28) en faisant mieux connaître ces ermites du type breton qui s'installèrent sur le Mont Tombe au vie s., en liaison probable avec les monastères de l'Avranchin; le second (ch. II, p. 29-52) en essayant de cerner la prophétique figure du fondateur saint Aubert. C'est avec une rigueur scientifique exemplaire que ces deux savants ont tenté de discerner les éléments historiques au travers des données légendaires. A partir du xie s., l'histoire de l'abbaye montoise est mieux connue; il était pourtant indispensable de souligner, comme le font les chapitres suivants, l'originalité de la situation montoise. Les guerres, les conflits avec le pouvoir temporel, l'accroissement du domaine, les charges d'une administration de plus en plus lourde ont constitué, comme partout ailleurs, une menace pour l'idéal de vie monastique. Mais jamais le Mont n'a connu au moyen âge les longues périodes de décadence morale que nous avons constatées dans bien des maisons religieuses; parmi les nombreuses raisons qui peuvent expliquer cette relative stabilité, il faut mettre en bonne place le rôle joué par les grandes personnalités qui ont assuré la direction du monastère. Entre les deux prestigieuses figures que furent Robert de Torigni et Pierre Le Roi (ch. IV et ch. VII), nous découvrons dans une lumière nouvelle, grâce à l'étude de M. J. Chazelas (ch. V),

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