Henri STERN
Mosaïques de pavement préromanes et romanes en France
L,a mosaïque de pavement médiévale est considérée comme une simple continuation, un dernier rejeton de la mosaïque antique. C'est ainsi que l'ont vue la plupart des savants qui s'y sont intéressés au xixe et au début du xxe siècle1. L,a comparaison qui s'imposa alors avec les œuvres antiques ne put se faire qu'au détriment des artisans du moyen âge dont la technique et le style sont loin de la virtuosité des praticiens grecs ou romains. Ces mosaïques s'ajoutaient aux autres exemples de la décadence des arts chrétiens. Des faits matériels vinrent renforcer cette thèse. L,e nombre des pavés historiés de cette époque est infime comparé aux milliers de restes gréco-romains que l'archéologie a fait sortir de terre dans un long et patient travail de fouilles.
Or, la mosaïque de pavement médiévale n'est pas qu'une simple continuation de la mosaïque antique. Elle l'est peut-être avant l'époque romane. Mais au xie siècle, en devenant un élément important, sinon essentiel, du décor des églises de France et de certaines régions de l'Italie, elle participe à l'essor général des arts, dont elle présente certains aspects avec une particulière vigueur2.
I^a rareté des documents et leur mauvais état de conservation expliquent le manque d'études. Iya découverte de ces pavés — ornant des églises qui ont souvent été démolies et remplacées par de grandes constructions gothiques, — est due, dans bien des cas, aux hasards d'une restauration de l'édifice existant. Des recherches méthodiques n'ont pas été entreprises. Aussi ne pourra-t-il s'agir de donner ici le tableau d'une évolution continue et bien articulée. Sur la trentaine de mosaïques médiévales de France dont nous avons connaissance3, à peine la moitié a pu être examinée de près pour faire l'objet de la présente étude.
Avant de nous y engager, il faut dire un mot d'une autre branche d'art, proche par la technique, mais dont l'histoire est tout à fait différente, la mosaïque murale. Créée au Ier siècle de notre ère, à Rome probablement4, elle prend un essor considérable sous Constantin, pour atteindre un premier apogée en Occident (y compris la France) et dans l'Orient grec au Ve et au vie siècle. Elle sera le legs du monde antique à Byzance qui en fera le premier de ses arts, cette « peinture pour l'éternité »
1. I,es travaux consacrés à la mosaïque médiévale, en particulier à celle de France, sont peu nombreux et assez anciens : J. Durand, Pavés mosaïques en Italie et en France, dans « Ann. archéol. », t. XV, 1855, p. 223-231 ; XVII, 1857, p. 119-127 (France) ; E. Muntz, Études iconographiques et archéologiques sur le moyen âge, I, Les pavements historiés, Paris, 1887, p. 1-63 (c'est un premier essai critique) ; P. Clemen, Die romanische Monumentalmalcrei in den Rheinlanden, Diisseldorf , 19 16, p. 1 33-197 (à l'occasion d'une étude sur le pavement de Saint-Géréon de Cologne ; travail exhaustif pour l'époque) ; G. I,afaye et A. Blanchet, Inventaire des mosaïques de la Gaule [désormais : Inventaire...], Paris, 1909, 1 vol. de texte, 1 vol. de pi. (inventorient un grand nombre de monuments) ; R. de I^asteyrie, L'architecture religieuse à l'époque romane en France, 2e éd., Màcon, 1928, p. no et ss. ; H. Stern, Recueil général des mosaïques de la Gaule [désormais : Recueil...], Paris, fasc. I1, 1957 ; fasc. I2, i960 (Nord et Nord-Est). — On est surpris de constater que E. Viollet-le-Dtjc, dans son Dictionnaire raisonne de l'architecture française du XIe au XVIe siècle, Paris, (s.d.), v° mosaïque, ne consacre que quelques lignes à cette matière.
2. Un seul savant du xixe siècle, A. Ramé, dans ses excellentes Études sur les carrelages historiés du XIIR au XVIIIe siècle en France et en Angleterre, Strasbourg /Paris, 1858, p. 49, a entrevu l'importance de la mosaïque romane en France : « Jamais, dit-il, la mosaïque ne brilla d'un plus vif éclat en France qu'aux xie et xne siècles. » Mais il ne lui a consacré que quelques pages.
3. Nous en donnerons un catalogue à la fin de cet article.
4. H. Stern, Origine et débuts de la mosaïque murale, dans Études d'archéologie classique, II, Paris, 1959, p. 99-121 (« Ann. de l'Est », Nancy, 22).
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