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Musique et subjectivité. Le passage de la chanson d'amour à la poésie personnelle au XIIIe siècle

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Michel ZINK

Musique et subjectivité

Le passage de la chanson d'amour à la poésie personnelle

au XIIIe siècle

Léo Ferré a intitulé une de ses chansons La poésie foui l'camp Villon et lui a donné le refrain suivant :

La poésie fout l'camp Villon ! Y'a qu'du néant sous du néon Mais tes chansons môme en argot Ont quelques siècles sur le dos

avant d'inviter dans les deux derniers vers le poète médiéval à aller boire à Monlfauconj A la santé de la chanson1.

Ces vers ont ceci de piquant que Villon, on le sait, n'a de sa vie composé une seule chanson et que sa poésie est une poésie récitée, celle qui « fout le camp », selon Léo Ferré. Aura-t-on la cuistrerie de regretter que celui-ci n'ait pas évoqué plutôt les troubadours et les trouvères et, le rythme et la rime lui interdisant quelque chose comme La poésie foui Vcamp, Bernard de Ventadour, n'ait pas invoqué, par exemple, le célèbre trouvère de Béthune en écrivant : La poésie foui Vcamp, Conon ? Mais le nom de Conon de Béthune, outre qu'il manque de grâce en français moderne, ne dirait évidemment rien au public de Léo Ferré, tandis que celui de Villon lui dit quelque chose. Et que lui dit-il ? Il évoque, bien entendu, le stéréotype du poète mauvais garçon, bambocheur, soiffard, joueur, coureur, toujours entre deux vins, entre deux filles, entre deux flics, ce stéréotype de l'anarchisme poétique, de l'artiste bohème, comme on dira plus tard, qui a tout, en effet, pour séduire Léo Ferré. Villon est quelqu'un avec qui aller boire. Et pourquoi le nom de Villon évoque-t-il ce stéréotype ? Parce que c'est l'image qu'il cherche à donner de lui-même à travers son œuvre — et il y a réussi au-delà de toute espérance auprès de générations de lecteurs et d'érudits, à commencer par Rabelais — comme c'est l'image qu'avait cherché à donner deux cents ans avant lui Rutebeuf, et tant d'autres. Or, c'est en renonçant à la chanson que ces poètes ont inventé ce nouveau type de poésie : une poésie qui prétend dire la vie du poète, et particulièrement cette vie-là. C'est en renonçant à la chanson qu'ils ont inventé la poésie de la fausse confidence. Avant même de formaliser en un système poétique, comme l'a fait Paul Zumthor dans un article justement célèbre2, les oppositions entre une chanson de Thibaud de Champagne et un dit de Rutebeuf, le poème de Rutebeuf se distingue au premier regard de celui de son prédécesseur essentiellement en ce

1. Léo Ferré par Ch. Estif.n.me, Paris, 1962, p. 131-130. La chanson est de 1958.

2. P. Zumthor, « Roman » et « gothique » : deux aspects de la poésie médiévale, « Studi in onore di I. Siciliano « (Florence, 1966), II, p. 1223-1234. Art. repris sous une forme remaniée, dans Langue, texte, énigme, Paris, 1975, p. 181-196 (Le «je » de la chanson et le moi du poète).

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