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Resumen de Ulcérations récidivantes à type de pyoderma grangrenosum induites par les antivitamines K

Pauline Pralong, Sébastien Debarbieux, N. Paret, B. Balme, L. Depaepe, A. Nosbaum

  • Résumé Introduction En dehors de la classique nécrose sous antivitamines K (AVK) survenant chez les patients déficitaires en protéines C et S, les autres types d'ulcérations induites par les AVK sont peu connus. Nous décrivons ici un cas original d'ulcères récidivants à type de pyoderma gangrenosum (PG) induits par les AVK.

    Observation Une femme de 70 ans, transplantée cardiaque, présentait, six semaines après l'instauration d'un traitement AVK par fluindione, une ulcération nécrotique de la jambe droite, profonde et hyperalgique, rapidement extensive. L'examen histologique trouvait un infiltrat dermique riche en polynucléaires neutrophiles, faisant discuter une vasculite leucocytoclasique ou un PG. Les explorations éliminaient une cause infectieuse, auto-immune ou un facteur de thrombophilie. La fluindione était arrêtée. L'ulcération cicatrisait complètement en un mois. Six mois plus tard, l'ulcération de la jambe droite récidivait 15 jours après la reprise de la fluindione, puis cicatrisait de nouveau un mois après son arrêt. Un AVK d'une autre famille (warfarine) était alors introduit, suivi d'une nouvelle récidive de l'ulcération après 15 jours de traitement.

    Discussion La chronologie des évènements et la négativité des explorations étiologiques permettaient de poser le diagnostic d'ulcère induit par les AVK. Les ulcérations cutanées liées aux AVK sont une complication rare dont la physiopathologie est imprécise. À notre connaissance, il s'agit du premier cas publié d'ulcères à type de PG induits par les AVK.

    ________________________________________ Summary Background Other than the classic skin necrosis induced by oral anticoagulants (OAC) in patients with protein C and S deficiencies, other types of OAC induced-skin ulcers are little known. Herein, we describe an original case of recurrent pyoderma gangrenosum (PG)-like ulcers induced by OAC.

    Patients and methods A 70-year-old female heart-transplant recipient presented deep, hyperalgesic and quickly-spreading necrotic ulceration of the right leg 6 weeks after starting oral anticoagulant therapy with fluindione. Histological analysis revealed dermal infiltrate containing polynuclear neutrophils, which accords with the histopathological diagnosis of leukocytoclastic vasculitis or PG. Infectious, autoimmune and thrombophilic causes were ruled out. Fluindione was withdrawn and the ulcer healed completely within a month. Six months later, right leg ulceration recurred two weeks after the patient resumed fluindione but healed within 1 month of discontinuation of the drug. An OAC from another chemical family (warfarin) was then introduced, with further recurrence of ulceration after 2 weeks of treatment.

    Discussion The chronology of events and the negativity of aetiological explorations allowed a diagnosis to be made of OAC-induced skin ulcer, a rare complication of which the pathophysiology is unclear. This is the first case of PG-like ulcers induced by OAC.

    Mots clés " Ulcère induit;

    " Antivitamines K;

    " Pyoderma gangrenosum;

    " Vasculite leucocytoclasique Keywords " Induced skin ulcer;

    " Oral anticoagulant;

    " Pyoderma gangrenosum;

    " Leukocytoclastic angiitis Les ulcérations sous antivitamines K (AVK) sont des complications rares. En dehors de la classique nécrose sous AVK survenant chez les patients déficitaires en protéines C et S, les autres types d'ulcérations induites par les AVK sont peu connus. Nous décrivons ici un cas original d'ulcères récidivants induits par les AVK, associant des aspects cliniques et histologiques de vasculite et de pyoderma gangrenosum (PG).

    Observation Une patiente de 70 ans, transplantée cardiaque depuis 25 ans, sous ciclosporine, était suivie pour un erythema elevatum diutinum bien contrôlé sous dapsone, associé à une gammapathie monoclonale bénigne à immunoglobulines A. Elle avait présenté, en juin 2011, un pyoderma gangrenosum (PG) sur le site d'exérèse d'un carcinome basocellulaire temporal droit, d'évolution favorable en deux mois sous dermocorticoïdes. En novembre 2011, dans un contexte d'alitement prolongé, survenait une thrombose veineuse profonde (TVP) de la jambe gauche, traitée par fluindione, un anti-vitamine K.

    Cinq semaines après le début du traitement, la patiente présentait trois ulcérations centimétriques nécrotiques très douloureuses de la face externe de la jambe droite sur fond purpurique, survenues en l'absence de tout traumatisme local connu. Les lésions confluaient rapidement en un vaste placard nécrotique profond, hyperalgique et extensif, sans signes généraux (Fig. 1). Sur le plan biologique, on trouvait un syndrome inflammatoire isolé avec CRP à 71 ; il n'y avait pas de signe d'atteinte hépatique ou rénale, ni d'anomalie de l'hémogramme. L'examen histologique d'une biopsie cutanée montrait un infiltrat dermique riche en polynucléaires neutrophiles (PNN) majoritairement pycnotiques, et des images de nécroses vasculaires parfois fibrinoïdes, faisant discuter une vascularite leucocytoclasique nécrosante ou un PG (Fig. 2). Les prélèvements infectieux cutanés étaient stériles (recherches de bactéries, de mycobactéries et de champignons pathogènes). L'échographie cardiaque écartait une endocardite infectieuse. Il n'y avait pas de facteur de thrombophilie : bilan de coagulation, antithrombine III, protéines C et S, homocystéinémie normaux, absence de mutation du facteur V Leiden ou de résistance à la protéine C activée, absence d'anticoagulant circulant. Les explorations auto-immunes étaient négatives (recherche d'auto-anticorps anti-cytoplasme des neutrophiles, anti-ADN natif, anticorps anti-ENA), ainsi que la recherche de cryoglobulinémie. Les sérologies des hépatites virales et du VIH étaient négatives. L'examen tomodensitométrique thoraco-abdominopelvien était sans particularité.

    Figure 1.

    Aspects évolutifs de la première poussée d'ulcération induite par la fluindione (à l'arrêt du traitement par antivitamines K [AVK] et un mois après).

    Figure options Figure 2.

    Aspects histologiques (infiltrat de polynucléaires neutrophiles [PNN], leucocytoclasie et nécrose fibrinoïde).

    Figure options La responsabilité des AVK dans ce tableau de nécrose cutané survenant sous anticoagulant oral était suspectée. La fluindione était arrêtée et un relais par héparinothérapie instauré. Il n'y avait pas d'autre médicament d'introduction récente en dehors des AVK. Dans l'hypothèse d'un PG, du fait des antécédents de dermatoses neutrophiliques, des bolus quotidiens de 120 mg de méthylprednisolone étaient administrés par voie intraveineuse. Ceux-ci permettaient un arrêt de l'extension en 24 heures et une régression totale des douleurs en trois jours. Sous corticoïdes oraux à dose rapidement dégressive et soins locaux, l'ulcération cicatrisait en un mois et demi (Fig. 1). En avril 2012, un traitement par fluindione était repris pour un nouvel épisode de TVP controlatérale. Quinze jours après, l'ulcération de la jambe droite récidivait (même aspect clinique et histologique), et cicatrisait en un mois à l'arrêt des AVK, sans corticothérapie (Fig. 3). En juillet 2012, un AVK d'une autre famille (warfarine) était introduit étant donné l'indication à poursuivre une anticoagulation (Fig. 4). L'ulcération récidivait une nouvelle fois après 15 jours de traitement et régressait en dix jours à l'arrêt de l'AVK. Le diagnostic de nécrose cutanée induite par les AVK était posé. Une déclaration en pharmacovigilance était effectuée. L'ensemble des AVK étaient définitivement contre-indiqués chez la patiente, et l'anticoagulation poursuivie par héparinothérapie seule pendant six mois. Aucune récidive des lésions n'était constatée après une année.

    Figure 3.

    Aspects évolutifs de la deuxième poussée d'ulcération induite par la fluindione (à l'arrêt du traitement par antivitamines K [AVK] et un mois après).

    Figure options Figure 4.

    Formules chimiques de la fluindione et de la warfarine.

    Figure options Discussion La chronologie d'apparition et de réapparition des lésions après administration d'AVK, ainsi que leur cicatrisation rapide à l'arrêt de ces traitements, sont en faveur du rôle inducteur des AVK dans la survenue des ulcérations de notre patiente. Le lien de causalité a été coté " vraisemblable (I3) ", après calcul du score d'imputabilité intrinsèque selon la méthode en cours dans les centres français de pharmacovigilance [1]. L'originalité de ce cas réside dans les aspects cliniques et histologiques des ulcérations, qui associent des images de vasculite et de PG. Un PG non induit par les AVK est peu probable étant donné la cicatrisation très rapide des ulcérations à l'arrêt des AVK, l'absence de traumatisme initial, et la non-récidive des lésions après arrêt définitif des AVK. Nous retenons ici le diagnostic d'ulcération à type de PG, induite par les AVK.

    Les ulcères liés aux AVK sont rares. La forme la plus connue est la nécrose sous AVK, décrite pour la première fois en 1943 et de nos jours largement rapportée dans la littérature [2], [3], [4], [5], [6] and [7]. Elle se présente sous la forme d'un vaste placard nécrotique hémorragique touchant préférentiellement les régions adipeuses, chez des patients déficitaires en protéines C ou S (déficits congénitaux ou acquis). Sa survenue en dehors de tout contexte de thrombophilie est beaucoup plus rare. Les femmes d'âge moyen, en surpoids, sont les plus à risque. Histologiquement, il existe des images de thrombus intracapillaires avec infiltrat lymphocytaire périvasculaire, sans nécrose fibrinoïde. Les lésions apparaissent généralement à l'instauration du traitement, dans un délai de 2 à 10 jours. Leur survenue rapide s'explique par un état procoagulant transitoire induit en début de traitement [6] and [7].

    En dehors de cette forme " classique ", bien décrite et enseignée dans les traités de dermatologie, les autres formes d'ulcérations induites par les AVK sont peu connues. La littérature est très pauvre à ce sujet, puisque nous n'avons trouvé qu'un seul article, publié en 2011, rapportant cinq cas d'ulcérations nécrotiques induites par les AVK, d'aspect clinique et histologique différant de la " classique " nécrose sous AVK [8]. Ces ulcères étaient évocateurs cliniquement d'angiodermite nécrotique ou de vasculite, sans maladie dysimmunitaire associée, chez des patients présentant au moins un facteur de risque cardiovasculaire. Ils évoluaient depuis moins de six mois. Le diagnostic d'ulcères induits par les AVK était posé devant leur régression rapide en quelques semaines à l'arrêt des AVK et l'échec des traitements locaux ou généraux bien conduits. La corticothérapie générale n'améliorait pas les lésions. Le délai d'apparition des lésions allait de un mois à trois ans et le délai de cicatrisation à l'arrêt des AVK de cinq à sept mois. L'aspect histologique était variable, associant des images inconstantes de vasculite leucocytoclasique et des microthrombus. Il n'y avait pas d'infiltrats à neutrophiles. Dans trois cas, il existait des facteurs prothrombotiques (hyperhomocystéinémie ou mutation du facteur V Leiden). Le remplacement de l'AVK en cause par un autre AVK n'induisait pas de récidives des lésions. Les hypothèses physiopathologiques avancées étaient celle d'un effet prothrombotique paradoxal chez les patient présentant un facteur de thrombophilie, et celle d'une réaction immuno-allergique pour les autres cas [8].

    Ces observations d'ulcères sous AVK, bien qu'originales, diffèrent considérablement du cas décrit ici en ce qui concerne le délai de survenue et de disparition, l'association à des facteurs prothrombotiques, l'effet des corticoïdes généraux, l'aspect histologique et l'absence de récidive après remplacement de l'AVK. Cela suggère des mécanismes physiopathologiques différents. Une origine immuno-allergique est exclue dans le cas de notre patiente, étant donné la récidive de l'ulcère après remplacement par un autre AVK de formule chimique différente. Une hypothèse serait que les lésions aient évolué en deux phases. Tout d'abord seraient apparues des lésions de vasculite non immuno-allergique induite par le médicament, comme cela a été rapporté plusieurs fois dans la littérature [9]. Ensuite seraient apparues, sur les lésions de vasculite, des lésions de PG par phénomène de pathergie, dans le contexte du terrain personnel de dermatose neutrophilique. Une autre hypothèse serait la survenue d'un état prothrombotique paradoxal à l'instauration du traitement, favorisant la survenue de microthrombus capillaires, puis de PG localement par phénomène de pathergie, expliquant peut-être les délais de survenue et de guérison courts, respectivement à l'introduction et à l'arrêt des AVK. Les images histologiques de vasculite leucocytoclasique seraient alors secondaires à l'afflux massif de PNN. Enfin, chez notre patiente, un autre facteur prédisposant pourrait être une toxicité de la ciclosporine sur l'endothélium vasculaire après 25 ans d'imprégnation [10].

    D'une manière générale enfin, les ulcères induits par les AVK restent de nos jours encore sous-évoqués devant une ulcération chez un patient polypathologique et polyvasculaire, car il s'agit d'un effet secondaire assez paradoxal, au délai d'apparition parfois long.


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