LES GENIES INVISIBLES DU LOCAL

FAUX- SEMBLANTS ET DYNAMIQUES

DE LA DÉCENTRALISATION

ALBERT MABILEAU

Depuis qu'a été consacrée par la loi de décentralisation de 1982 la réforme des institutions locales, l'évolution du système politico- administratif français tourne autour de la formule magique de la décentralisation ; tout comme un quart de siècle auparavant, la Constitution de 1958 avait substitué dans le régime politique la prépondérance de l'exécutif et l'affirmation d'un pouvoir d'État à la domination du Parlement. Apparemment une révolution silencieuse qui marque une mutation considérable et met fin à deux siècles de centralisme jacobin qui avait servi de principe à «la Constitution administrative de la France moderne»1. Depuis lors, les appellations se sont quelque peu affadies pour qualifier le changement intervenu et ses implications sur «l'administration territoriale de la République» ou «l'aménagement du territoire et le développement local», associés de plus en plus fréquemment à la réforme de l'État.

II serait cependant pour le moins insuffisant de se satisfaire d'une analyse critique de la décision politique, du dispositif législatif et réglementaire qu'elle comporte, et de sa mise en œuvre pour apprécier leur influence sur le système politico- administratif. L'effet d'annonce et la portée symbolique de la décentralisation ont aussi laissé des traces profondes dans les attentes pas toujours satisfaites et les comportements plus ou moins favorables ou réticents des acteurs concernés. Plus encore, l'ensemble a fait émerger des enjeux nouveaux et enclenché des dynamiques variables et de natures diverses, dont la visibilité n'est pas forcément assurée. Ces perspectives seront privilégiées, sans qu'il soit procédé à une évaluation de la décentralisation, dont les aspects positifs aussi bien que les carences et les lacunes ont été suffisamment soulignés2 et prêteront encore longtemps à controverse3.

C'est dans ce registre qu'il faut au préalable examiner la loi «relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions», en tant que norme décisionnelle et juridique fondatrice de la décentralisation. On a cru y voir principalement pour les uns le changement, pour les autres la continuité; une politique institutionnelle tournée vers l'avenir et, à

Cf le discours du général de Gaulle Lyon le 24 mars 1968 effort multisé- culaire de centralisation administrative qui fut longtemps nécessaire notre pays pour réaliser et maintenir son unité ne impose plus désormais Cf notamment La décentralisation Pouvoirs 60 1992 Gilbert Del- camp dir. La décentralisation dix ans après GRAL) Paris LGDJ 1993 J.M Ohn Histoire de la décentralisation fran aise Paris Le Livre de Poche 1996 coll Réfé rences Il est significatif au dernier Congrès des maires de France novembre 1996) les appréciations aient pu être aussi contrastées La décentralisation constitue un immense progrès qui projette la France dans avenir Jean Fran ois-Poncet nous continuons vivre avec les malfa ons un édifice improvisé Alain Peyrefitte)

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Les génies invisibles du local. Faux-semblants et dynamiques de la décentralisation

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