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Pierre Bourdieu (1930-2002)

[note biographique]

Année 2002 139 pp. 177-178
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Pierre Bourdieu (1930-2002)

Jean-Claude Forquin

Disparu brutalement le 23 janvier dernier, Pierre Bourdieu laisse une œuvre immense, qui a su à la fois contribuer de façon décisive au renouvellement des sciences sociales en France et imprimer dans l'esprit du temps une marque puissante et universellement reconnaissable. Une grande pensée, ce n'est pas seulement celle qui s'empare du monde pour le comprendre ou le transformer, c'est celle aussi dont le monde s'empare, avec tous les risques de retraduction et de réinterprétation que cela comporte, pour s'instruire et se transformer à partir d'elle. C'est ainsi que la pensée de Pierre Bourdieu, pensée « savante » par excellence, pensée de « lecteur », de théoricien et de chercheur, a pu devenir ressource et motif de culture, élément et aliment d'une « culture commune », une culture « critique » et « opposition- nelle » communément partagée, à l'intersection du champ des sciences sociales, du champ politique, du champ artistique et du champ pédagogique.

Trois caractéristiques frappent dès qu'on s'efforce de prendre une vue d'ensemble de la production et de la carrière de Pierre Bourdieu (de l'ENS et l'agrégation de philosophie à la chaire de sociologie du Collège de France et à la médaille d'or du CNRS en passant par l'enseignement en université et les activités et responsabilités de recherche au sein de l'EPHE et de l'EHESS) : c'est d'une part l'abondance, la richesse, la puissance

de l'œuvre produite et publiée, ces dizaines d'ouvrages, ces centaines d'articles, cette multitude presque indénombrable de contributions et d'interventions qui paraissent s'accumuler « en spirale », avec de fréquents remaniements et retours, autour de quelques axes thématiques et théoriques forts (1) ; c'est d'autre part, contrastant avec la diversité des objets ou des domaines d'investigation (de la maison kabyle à l'ontologie heideggerienne, du paysannat béarnais à la pensée scolastique, de l'esthétique flaubertienne au marché immobilier, de la sociologie de la science à celle de la haute couture, de l'épistémologie à la religion, de la pédagogie à la politique), l'extraordinaire, l'impérieuse cohérence du dispositif d'analyse et de théorisa- tion, articulé autour de quelques idées maîtresses, quelques hypothèses à portée très générale, quelques concepts doués d'un pouvoir exceptionnel de pénétration polémique et de capitalisation heuristique tels que champ, habitus, violence symbolique, capital culturel, marché, domination, légitimité, reproduction ; c'est enfin la radicalité de la posture critique, une radicalité qui s'inscrit d'abord « en creux », dans le « paradoxe performatif » d'un discours qui semble faire de la démonstration même du déterminisme social dans ce qu'il a de plus inéluctable le ressort caché de sa subversion possible, puis s'exprime de plus en plus ouvertement à travers les engagements et les partenariats militants des dernières années.

Revue Française de Pédagogie, n° 139, avril-mai-juin 2002, 177-178 177

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