Couverture fascicule

Zaffran (Joël). - Les collégiens, l'école et le temps libre.

[compte-rendu]

Année 2002 138 pp. 187-188
Fait partie d'un numéro thématique : Recherches sur les pratiques d'enseignement et de formation
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ZAFFRAN (Joël). - Les collégiens, l'école et le temps libre. Paris : La Découverte et Syros, Alternatives sociales, 2000. - 143 p.

La recherche de Joël Zaffran s'inscrit dans le genre désormais reconnu des sociologies qui s'intéressent aux rapports établis par les élèves entre l'institution scolaire et les autres instances de socialisation. Son originalité est sans doute d'aborder ce thème par l'angle du temps « libéré » par l'école. Car, si cette dernière occupe la majeure partie de la journée des collégiens et régule aussi largement les activités extrascolaires, elle laisse un temps que les adolescents investissent selon des modalités différentes. Ils modulent alors, sans cependant les annihiler, les effets stricts de leur appartenance sociale sur leur réussite scolaire. L'école, en effet, ne prend plus aujourd'hui en charge la totalité des temps sociaux des adolescents que sont l'activité intellectuelle, le loisir, le sport et les trajets.

Cependant, quoique moins prescriptive, elle fixe toujours les positions hiérarchiques et étend de ce fait son influence bien au-delà de ses murs. L'adolescent reçoit alors la charge de constituer son identité en reliant les « îlots » de socialisation que constituent les exigences scolaires et ses besoins personnels. C'est en particulier le cas avec le temps libre qui garantira une socialisation d'autant plus cohérente que les loisirs qui l'occupent seront en connivence avec l'ordre scolaire. Le temps libre est, en fait, pour une large part, un temps « semi-scolaire » au sein duquel les élèves peuvent, soit choisir des activités qui améliorent et renforcent les manières d'apprendre, soit préférer des pratiques qui les affranchissent des contraintes familiales et scolaires. Pour mettre à l'épreuve ces hypothèses d'une continuité de l'emprise de l'ordre scolaire dans l'espace et le temps qui ne sont pas consacrés à l'étude proprement dite, l'auteur a enquêté auprès d'adolescents fréquentant deux collèges d'enseignement public (dont l'un classé en ZEP) de la région bordelaise, à l'aide d'un questionnaire et d'entretiens.

L'enquête met en évidence la présence ou l'absence d'un certain nombre de corrélations qui permettent en effet de voir dans le temps libéré par le collège des moments tout à fait importants de rapprochement ou d'éloignement de l'« éthos scolaire ». C'est ainsi, par exemple, que si les élèves de l'échantillon passent, lors d'un jour de semaine ordinaire, environ dix heures de leur temps à l'école, le rythme de la journée obéit largement à des règles familiales qui ménagent plus ou moins la disponibilité des collégiens pour l'étude. Il faut en effet négocier l'heure et demie (en moyenne) consacrée aux devoirs ou le moment de se mettre au lit. Dans ce dernier cas, le résultat des tractations ne semble pas en rapport direct

avec l'origine sociale, puisqu'il apparaît que l'heure du coucher recule surtout en fonction de l'âge et de la capacité des adolescents à imposer leur propre définition des modèles de conduite.

Les collégiens ont surtout en commun l'aspiration à dégager ce dont on les prive le plus, c'est-à-dire un « temps pour soi » qui signifie surtout un temps à passer « entre soi ». Dans la communauté des pairs, largement ouverte au jeu et à la discussion, les adolescents cherchent une situation de relative indépendance dans laquelle ils expriment une authenticité appuyée sur les relations amicales. Mais une telle quête peut se décliner très différemment. Les filles, en « traçant » dans les artères commerçantes du centre ville, optent plus facilement pour un « nomadisme urbain » qui leur permet d'échapper au contrôle du quartier construit par les relations masculines. Les garçons paraissent plus investis dans le quartier, avec le risque de conforter, dans une fuite vers l'« ici et maintenant », l'éloignement vis-à-vis de l'ordre scolaire dans lequel certains se trouvent déjà. Il apparaît en effet que les « bons élèves » profitent du temps de la demi-pension pour choisir des activités (chorale, théâtre...) proches des exigences scolaires, tandis que les autres sont plus enclins à choisir des activités qui maintiennent à distance l'ordre scolaire. C'est, pour beaucoup de ces derniers, la seule possibilité d'affirmer une liberté, étant entendu que plus aucun collégien ne peut aujourd'hui choisir de se rendre ou pas à l'école.

L'approche de Joël Zaffran, par son originalité même, laisse cependant un peu sur sa faim. Elle veut sans doute trop embrasser en évoquant, dans un volume tout de même assez restreint, les questions de la réussite scolaire, de la gestion de leur temps libre par les adolescents ainsi que celle de l'organisation de leurs loisirs. Or, non seulement ces différentes considérations ne se raccordent pas toujours de façon évidente, mais chacune d'entre elles mériterait d'être creusée davantage. D'un point de vue de sociologie de l'éducation « classique », on aimerait, par exemple, que la recherche entre dans une analyse plus fine des médiations par lesquelles, au cœur du temps libéré par le collège, se construisent les affinités ou les distances prises avec la culture scolaire. Or l'auteur se laisse parfois emporter par des considérations générales sur le monde de l'adolescence (les critères d'amitié des filles, les préférences des jeunes en matière d'habituel individuel ou collectif, la façon dont les collégiens de ZEP sont perçus et perçoivent les autres, etc.) qui tendent à lui faire perdre de vue l'horizon proprement scolaire. D'un point de vue méthodologique, la mise en évidence de hiérarchies établies entre diverses activités par les collégiens ou la quantification de ces dernières permettent seulement de postuler de façon assez allusive l'idée d'une correspon-

Notes critiques 187

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