Présentation (ij

Eric Plaisance Charles Gardou

Durant une longue période, au moins jusqu'au début des années 70, l'expression « éducation spéciale » a désigné l'ensemble des dispositifs éducatifs destinés aux enfants, adolescents ou jeunes adultes considérés, à des titres divers, comme « inadaptés » ou « mésadaptés » à l'enseignement « ordinaire ». Dans de fréquentes définitions quelque peu circulaires, on a estimé que les « anormaux », selon le langage dominant au début du XXe siècle, étaient simplement ceux qui « ne se trouvent pas dans les conditions normales pour recevoir l'enseignement commun » (2). Dans cette orientation, classes et établissements spéciaux ont été créés, censés dispenser un « enseignement spécial », tenant compte des caractéristiques particulières des élèves concernés, même lorsqu'ils n'étaient plus désignés par le vocable de l'anormalité.

Repères historiques

Certains de ces repères sont maintenant bien connus. Les premières institutions « spéciales » ont été créées pour les enfants déficients sensoriels, dès le XVIIIe siècle, et elles ont donné naissance à des établissements qui existent toujours, pour les jeunes sourds et les jeunes aveugles (actuellement sous l'égide de l'Action Sociale,

dans le cadre du ministère de l'Emploi et de la Solidarité). On sait aussi que tout le XIXe siècle a constitué une étape capitale pour la compréhension des désordres mentaux, dont étaient porteurs ceux que l'on dénommait « idiots » et « aliénés ». Les institutions concernées étaient alors les asiles d'aliénés, au sein desquels, essentiellement à partir du milieu de ce même siècle, furent créés des quartiers spéciaux pour enfants « arriérés ». La naissance de la psychiatrie, scandée par les noms de Pinel, Esquirol, Ferrus, Falret, Voisin, Delasiauve, est aussi corrélative de tentatives d'éducation des enfants arriérés. Jean-Marc Itard, au début du XIXe siècle, est sans doute celui qui inaugure cette option éducative, grâce à son action menée auprès du cas bien connu de Victor de l'Aveyron. Il sera suivi par d'autres, médecins aliénistes pour certains, instituteurs pour d'autres, dont Seguin « instituteur des idiots », qui dirigera pour un temps (en 1842, avant d'émigrer aux États-Unis) l'école spéciale de l'hospice de Bicêtre. Dans cette lignée des éducateurs, l'action de Bourneville, médecin-chef à l'hospice de Bicêtre en 1879, est essentielle pour comprendre le passage progressif à une politique d'éducation spéciale sous l'égide de l'Instruction Publique. C'est lui qui envisage l'accueil de certains enfants « arriérés d'asile » - ceux qui seraient les plus « améliorés » - dans les écoles primaires publiques ordinaires. C'est aussi sous son influence

Revue Française de Pédagogie, n° 134, janvier-févner-mars 2001, 5-13