♦Pierre DUBOURG-NOVES
Des mausolées antiques aux cimborios romans d'Espagne Évolution d'une forme architecturale
Les modèles antiques
On rapporte que Michel-Ange, contemplant le Panthéon, s'écria : « Je le transporterai dans les airs! » De cette méditation géniale serait née la coupole de Saint-Pierre de Rome... C'est une aventure du même ordre, mais plus lente et collective, que nous aimerions conter. A l'origine, deux types de tombeaux gallo-romains.
On sait que la tombe romaine sur le territoire de la Gaule a pris de multiples aspects, du sarcophage au pilier funéraire, de l'exèdre à la stèle, en passant par bien d'autres apparences1. Parmi ces manifestations, deux méritent de retenir ici l'attention ; ce sont deux variétés du mausolée en forme de tour. La première comprend un ou plusieurs étages de plan carré surmontés d'une colonnade circulaire, ou Iholos. L'exemplaire le plus connu et sans doute le mieux conservé en est le Mausolée des Julii, à Saint-Rémy-de-Provence, l'antique Glanum2. Loin de constituer une forme de tombe propre à la Gaule romaine, ce type de monument est l'aboutissement d'une tradition italo-hellénistique dont le mausolée collectif des Istacidii, à Pompeï, est un exemple caractéristique8. On a relevé dans leur ascendance des édifices, funéraires ou non, comme le mausolée-phare de Potamia, dans l'île de Thasos, ou le phare d'Alexandrie4, ou encore le monument choragique de Lysicrate, à Athènes. On a, aussi, longuement souligné comment sur une base en dé, se présentant comme un autel funéraire romain orné de pilastres aux angles, s'étagent à Saint-Rémy un corps quadrangulaire percé d'un arc sur chacune de ses faces qui sont limitées par des colonnes cannelées, puis un corps circulaire où d'autres colonnes semblables portent un entablement coiffé d'un petit cône renflé de pierre couvert d'écaillés (PI. I a). L'étage carré ajouré a été comparé à certains arcs de triomphe, avec le symbolisme qui s'attache à ce genre de construction, et les éléments supérieurs circulaires ont été, eux aussi, mis en relation avec un symbolisme religieux et funéraire précis6. Les suggestions liées à l'arc, ou à la porte, qui évoquent une divinisation du défunt et les rites de passage qui en sont le complément, y sont en effet au contact de formes cylindriques et coniques, c'est-à-dire évocatrices de représentations du monde céleste
1. Cf. p. ex. M. Floriani Squarciapino, Scavi di Ostia, III : Le necropoli, 1, Rome, 1957 ; — A. de Francisci et R. Pane, Mausolei romani in Campania, Naples, 1957 ; — C. Robert, G. Rodenwalt et F. Matz, Die Antiken Sarcophags Reliefs, II, III, VI, Berlin, 1890-1939 ; — J. J. Hatt, La tombe gallo-romaine, Paris, 1953 ; — H. Dragendorff et E. KrCger, Das Grabmal von Igel, Trêves, 1924, etc.
2. Voir l'abondante bibliographie relative à ce mausolée, p. ex. dans J. J. Hatt, op. cit., p. 116, n. 3.
3. Winter, Stylzusammenhànge in des rômischen Skulptur Galliens und des Rheinlandes, « Bonner Jahrb. », CXXXI, 1926, p. 6.
4. Ch. Picard, Le phare d'Alexandrie, * Rev. archéol. », II, 1934, p. 259.
5. Fr. Cumont, Recherches sur le symbolisme funéraire des Romains, Paris, 1942 ; — Id., Lux perpétua, Paris, 1946.
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