LE PROJET D' ETAT-NATION ESPAGNOL AU XVIIIe SIECLE ET LE DIFFEREND LINGUISTIQUE CASTILLAN-BASQUE

Pierre BIDART Membre de la Section Scientifique

Le projet de l'Etat-Nation se distingue comme une donnée centrale dans l'histoire de l'Espagne du dix-huitième siècle. Porté principalement par des acteurs sensibilisés par la Philosophie des Lumières, combinant trois lieux d'intervention, — le culturel (imposition d'une langue commune, le castillan), — l'économique (création d'une économie nationale)1, — le politique (extension à tout le territoire des mêmes catégories de gestion administrative)2, il entendait incarner sur la scène européenne une Espagne nouvelle (tout en puisant largement dans l'Espagne "éternelle", à la faveur d'une réinterprétation) et énoncer de nouvelles valeurs dont celles du progrès, de l'unité, de l'efficacité et de la modernité. Tout le monde s'accorde à reconnaître le fait que la modernisation de l'Etat s'opère à la faveur du déclin des rapports sociaux féodaux et de l'affirmation sociale et économique de la bougeoisie, et l'existence d'une correspondance entre la mise en place du capitalisme et la rationalisation de l'Etat (idée développée par Marx et Weber). Le procès de renforcement de l'Etat-Nation se fera à l'occasion d'une immense confrontation culturelle et idéologique entre novateurs et conservateurs mais aussi entre le centre et la périphérie, entre différentes expériences de cheminement historique, entraînant une réactivation du lien symbolique entre les groupes et le politique (représenté par les formes d' autogouvernement ou les formes d'organisation les plus proches et les plus pertinentes pour eux) et par là de leur identité (sociale et/ ou