Ce livre, vraiment excellent, a déjà remporté un grand succès, notamment dans le public des simples « amateurs » d'histoire, et il faut s'en féliciter car il met à mal, et de façon convaincante, quelques uns des mythes les plus résistants à propos de la France du Grand Siècle.

Le Grand Siècle, d'ailleurs, fut étonnamment court : « A bien y regarder, l'essentiel du Siècle de Louis XIV tient en cette douzaine d'années (1681-1672), un lustre de plus peut-être ». Et, de fait, la situation se transformera dès les années 1674-1675 : à l'extérieur où l'agression «ontre la Hollande est le premier « grand échec » de Louis XIV, comme à l'intérieur où l'échafaudage colbertiste craque après 1673 et où s'ouvre le front des révoltes populaires {Bretagne, Sud-Ouest), ce qui n'empêche point le roi de choisir le dehors contre le dedans.

Seront détrompés tout de même ceux qui imaginent la France de Louis XIV comme un ensemble harmonieux coulé dans le moule sans faille de Pierre Goubert nous montre la désobéissance triomphante aux ordres des intendants, les règlements de Colbert consciencieusement violés à 20 lieues seulement de Paris et partout la persistance d'une vie cloisonnée, du local, de l'horreur de la nouveauté, de l'inertie du grand corps français. Ne croyons pas trop non plus au triomphe général en Europe de l'esprit français. L'auteur recense les zones et les éléments de dissidence, religieuse, politique, esthétique : les Pays-Bas et l'Angleterre, tes grandes voix du refuge protestant, Locke et Leibniz, le baroque...

Pierre Goubert, raillant au passage ce bon Boissonade, ramène Colbert et ses idées à de justes propositions : « presque toutes les idées dont on lui fait honneur étaient banales depuis un siècle », même sa politique économique ressembla beaucoup à celle pratiquée en Angleterre par William Cecil, -60 -ou