Couverture fascicule

Le placenta ou le double mort du nouveau-né

[compte-rendu]

doc-ctrl/global/pdfdoc-ctrl/global/pdf
doc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/resetdoc-ctrl/global/reset
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
Page 211

LE PLACENTA OU LE DOUBLE MORT DU NOUVEAU-NÉ 1

Emmanuel DÉSVEAUX *

Parmi certains groupes nord-américains, tels les Sioux, il est impensable pour un homme de parler d'obstétrique, a fortiori d'assister à un accouchement. Les Ojibwa septentrionaux, qui ne sont guère éloignés d'eux, n'élèvent en revanche aucune barrière entre les sexes en ce qui concerne la naissance. Anciennement, avant que tout ne se déroule au dispensaire gouvernemental, si une mère devait accoucher à un moment imprévu, par exemple lors des longs déplacements en forêt, et qu'aucune femme n'était présente pour l'assister, son mari, ou n'importe quel homme, pouvait intervenir et l'aider. Autre indice : bien que l'ethnographe fût un homme, la vieille femme qui nous rapportait cela — et qui avait elle-même assumé le rôle de sage-femme dans le passé — n'éprouvait aucune difficulté à répondre à nos questions. À tel point que nous nous en voulons presque aujourd'hui de ne pas lui en avoir posé de plus précises. Quoi qu'il en soit, voici comment elle décrivait un accouchement type : on édifiait un petit tipi, exprès pour l'événement, à proximité de celui qui servait d'habitation principale. On y allumait un feu, hiver comme été. Si la nécessité du feu se comprend en hiver, elle apparaît moins évidente lors de la belle saison. Certes, celui-ci permet d'assainir l'atmosphère ambiante en repoussant les moustiques, véritable plaie de l'été boréal. Mais on peut également déceler une intention symbolique dans ce foyer : celle d'exprimer le thème de la cuisson, signe universel du passage de la nature à la culture pour les Amérindiens. On retient ici la leçon lévi-straussienne : toute naissance humaine est une accession à la culture, du moins sa promesse. La femme accouchait à genoux en s'agrippant à une lanière de cuir tendue horizontalement devant elle. Le recours à une lanière est très courant en Amérique du Nord. Il donne parfois lieu à des variations. Ainsi, chez les Fox, celle-ci n'est pas tendue à l'horizontale mais accrochée en hauteur de sorte qu'elle pend à la verticale 2. Ce dispositif nous ramène directement au mythe puisque, selon un motif très répandu dans cette région centrale de l'Amérique du Nord, le démiurge naît d'une femme se balançant au bout d'une corde accrochée au ciel. Le mythe raconte comment cette femme, humaine épouse d'un astre, éprouve une irrépressible nostalgie pour sa terre natale. Elle perce, à la dérobée, un trou dans le plancher du ciel et y déroule une corde le long de laquelle elle se laisse descendre. Malheureusement, la corde est trop courte. Et c'est ainsi

* EHESS, Laboratoire d'anthropologie sociale, 52, rue du Cardinal- Lemoine 75005 Paris

Journal de la Société des Américanistes 1998, 84(1) : p. 21 1 à 217. Copyright © Société des Américanistes.

doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw