Couverture fascicule

Jules Ferry, La République des citoyens, présenté par Odile Rudelle

[compte-rendu]

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Comptes rendus

FERRY (Jules), — La République des citoyens. Présenté par Odile Rudelle. — Paris, Imprimerie nationale, 1996. 2 vol. 508, 518 p. Bibliogr. (Acteurs de l'histoire)

Jules Ferry serait-il méconnu ? Il est des grands noms dans l'Histoire que leur écho dessert, au lieu de permettre la réappropriation vivante et critique. En rééditant ces textes pour la plupart tirés de l'édition Robiquet (Discours et opinions, 1893- 1898), mais aussi du Journal officiel, de la presse ou des archives, Odile Rudelle a magistralement illustré (c'est-à-dire par l'œuvre d'un maître) la thèse qu'elle développe depuis quelque temps: la République n'est pas en premier lieu une idée ou une philosophie, mais la gestion constitutionnelle d'un patrimoine commun de libertés qui donnera d'autant plus libéralement sa place à l'individu si les lois et les institutions parviennent à s'enraciner dans les mœurs. La République ne serait pas seulement l'État (rendu chose de tous), ou le gouvernement représentatif (par une élite du pouvoir), mais une mémoire vivifiée par la Constitution. Et c'est en ce sens que la monarchique Angleterre ou l'Amérique de Washington auraient servi d'exemple incitatif pour Jules Ferry, qui avait à combattre une filiation républicaine hostile à la légalité, car le modèle était l'un des héritages (il en existe plusieurs) de 1793. Il y a chez lui un « patriotisme constitutionnel » très puissant, pourrait-on dire, si Habermas n'avait pas donné un autre sens à la notion. Ce qui frappe en effet à lire ces textes, tous de circonstance, c'est le souci constant d'affirmer une continuité dans les œuvres de fondation, et même de rupture ; c'est ensuite une pédagogie vis- à-vis du courant républicain pour l'aider à trouver sa vérité qui est de prendre le meilleur du parti libéral ; c'est enfin la recherche d'un consensus construit autour d'une majorité d'idées, d'une opinion publique qu'il ne faut jamais violenter — mais pour fortifier l'individu et la conscience individuelle. Si bien que, aussi étonnant que cela puisse paraître, la politique de Ferry est pour partie la synthèse de Mme de Staël, de Guizot et de Stuart Mill: trois écoles libérales qui n'avaient pu s'entendre entre elles.

Approximativement, le côté staëlien se voit dans la recherche, sous Mac-Manon, d'un ordre constitutionnel qui mette un terme à la radicalité révolutionnaire toujours recommencée, pour rassembler le «parti mitoyen», fonder le respect de la légalité, appeler l'élite des talents et des vertus1. Ce qu'il y a de guizotiste chez Ferry c'est le culte des institutions du savoir et des arts et l'idée de l'État enseignant, tandis que par ailleurs Guizot avait repoussé le suffrage universel et substitué à l'esprit constitutionnel la légitimité par le social (le «sacre des capacités» selon l'expression de P. Rosanvallon). Enfin, l'influence de Stuart Mill2 se voit dans l'esprit communal ressenti comme école de la liberté (loi de 1884) et dans un individualisme qui, sans être aussi paradoxal que chez Mill, est indispensable à ce véritable « humanisme civique» qui pour Ferry est cause et effet de l'ordre républicain, ordre de la liberté.

On peut le montrer à propos de deux grandes questions: d'abord l'école et sa laïcité, ensuite la République «qui est un gouvernement», à rencontre de ceux qui, comme Clemenceau, prétendaient encore que c'était une vision monarchique. Aujourd'hui où la laïcité est contestée — parce que, dit-on, étroite et intolérante — , on croit se souvenir que Ferry la voulait «résolument anticléricale» (c'est bien sa formule) et qu'il s'agissait, au fond, de substituer un catéchisme laïc au credo religieux. Cette visée fut certainement celle de Victor Cousin et de Guizot (« le gouvernement des esprits») sous la monarchie de Juillet3. En 1880-1881, les attendus

Voir le beau livre longtemps inédit de Mme de Staël Des circonstances actuel les qui peuvent terminer la Révolution et des principes qui doivent fonder la République en France présenté par Omacini Genève Droz 1979 Ferry ne pouvait connaître cet écrit découvert au début du 20e siècle mais les autres textes ou interventions de Mme de Staël sous le Directoire son opposition Napoléon restaient dans les mémoires Comme le rappelle plusieurs fois Odile Rudelle aux dires de Jules Ferry On liberty jamais quitté sa table de chevet Voir notre ouvrage Le dilemme libéral Paris Fayard paraître

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