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Erving Goffman

Erving Goffman

LA COMMUNICATIÇN

EN DÉFAUT

orsque tous les participants d'un échange sont suffisamment « pris » ou engagés dans l'action, l'interaction peut être qualifiée d'euphorique. Dans la mesure où ils ne sont pas suffisamment impliqués, soit par manque d'intérêt soit parce que trop centrés sur eux-mêmes, l'interaction est dite dysphorique. Il suffit qu'un participant s'aperçoive qu'un autre n'est pas assez impliqué ou l'est trop (comme on le verra plus tard), pour que cette simple perception le rende mal à l'aise. Ce fait est à ranger parmi les facteurs qui font perdre sa spontanéité à celui qui s'engage dans une interaction. Si, de surcroît, un autre participant réalise que l'un d'entre eux a perçu un « offenseur » , il va peut-être lui aussi se sentir en porte à faux dans l'interaction. Dans ces cas, l'embarras semble être contagieux et circulaire, se nourrissant de lui-même, passant d'un participant à l'autre, jusqu'à la déconfiture totale.

Certains échanges semblent être promis depuis le début à la dysphorie, de sorte que même les personnes qui sont habituellement à l'aise en société peuvent perdre contenance. Un jour, cinq à six hommes se sont rendus en camion à leur ancienne école afin d'y emprunter un piano pour un concert local ; la vue des petits bancs et de tout le matériel de la salle de classe qu'ils avaient connue trente ans auparavant a réactivé, semble-t-il, en eux leur moi enfant à un point tel que leur moi adulte n'a pas pu y faire face avec sérénité. De la même manière, au moment où les agneaux mâles doivent «les perdre», comme disent les insulaires, la vue du tas de testicules, lorsqu'ils maintiennent les bêtes qui se débattent lors de la castration, permet difficilement aux hommes d'écarter les connotations sexuelles de la situation ; le travail habituellement calme prend alors des allures obscènes. De

même, lorsqu'une équipe de travailleurs décharge des planches dont ils savent qu'elles sont destinées à l'entrepreneur des pompes funèbres pour la fabrication de cercueils, il leur est difficile d'effacer toute pensée en rapport avec la mort et de se concentrer simplement sur leur travail. Dans chacune de ces occasions, la rupture avec le travail quotidien ordinaire s'est résolue par une redéfinition humoristique de la situation. Les participants ne se sentaient pas responsables de la perturbation, c'était la situation elle-même qui en était la cause.

Il existe aussi des cas où une certaine personne se retrouve en train de jouer un rôle qu'elle peut difficilement assumer avec sérénité, en dépit de l'aplomb qu'elle pourrait y avoir. Lors d'un mariage, on invite soit les deux partenaires d'un couple d'amoureux, soit aucun des deux, car c'est l'occasion pour les jeunes invités d'afficher leurs « intentions » , rendues explicites au moment où les couples se rendent en cortège depuis l'église jusqu'à la salle des fêtes. Il existe cependant une règle essentielle qui oblige la famille du couple qui se marie à s'asseoir à la table principale. Ainsi, un frère de la mariée ou du marié qui est lui- même fiancé doit faire en sorte que quelqu'un d'autre accompagne sa fiancée à la cérémonie. La personne choisie se trouve dans une situation ambiguë qu'elle résout habituellement en prenant la chose avec humour.

Apparemment, certains types d'échanges ne peuvent être maîtrisés sereinement par une personne donnée alors que les autres participants ne rencontrent aucune diffi-

* Titre original : « Faulty Persons » , chapitre xx de la thèse de doctorat, Communication Conduct in an Island Community, université de Chicago, département de sociologie, 1953, p. 259-272. © original : Erving Goffman, 1953. Goffman appelle l'archipel des Shetland «Bergand», la petite communauté insulaire où son étude s'est déroulée •< Dixon ».

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