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Vilem Flusser, un philosophe des Sudètes

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Année 1992 91 pp. 112-114
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À PROPOS DE...

VJIem Flusser, un philosophe des sudètes

Vilem Flusser (1920-1991) est un nom quasi inconnu du public français mais dont l'œuvre commençait à rayonner dans les pays de langue germanique, car les médias s'en étaient emparés. C'est l'exemple parfait d'une trajectoire intellectuelle typique d'une certaine couche de l'intelligentsia allemande — d'autres exemples plus célèbres de nos jours furent Husserl, Kafka, Brecht. Sa langue, sa culture, sa civilisation, étaient celles d'un juif allemand de Prague : ce qui s'appelait proprement « Sudetenland ». Pris tout jeune dans la tourmente de la guerre, il construisit sa « carrière » en langue portugaise au Brésil, avec une audience excentrique par rapport à ce « Centre-Europe » dont Prague faillit être la capitale à mi-chemin entre Berlin et Vienne. Émigré à travers Londres dans les tous derniers jours de la Tchécoslovaquie indépendante (?) passé de justesse en Hollande, l'occasion lui fut donnée d'avoir un visa pour ie Brésil (« C'est loin !... » « Loin d'où ?... ») ; il devint professeur de communication (« Ça veut dire quoi au juste ?... ») à l'université de Sâo Paulo, directeur d'une fabrique de transformateurs électriques (« Qu'est-ce que c'est donc un transformateur électrique ? ») et chroniqueur régulier de Estado de Sâo Paulo et Folha de Sâo Paulo, ami de gé- néraux qui n'attendaient qu'une occasion de le mettre en prison. À la veille des jours où cette prophétie risquait de se réaliser, il s'installa dans un petit village de Provence d'où, après une apparition brève dans les cercles intellectuels français, il reprit au début, quel que fût son acquis par ailleurs, la trajectoire d'un intellectuel allemand d'Europe centrale, une orbite qui était la sienne propre, et — entre autres, grâce à la qualité et à la clarté philosophique de son discours nourri des meilleurs sources classiques — il commença à s'imposer dans les médias, à la radio, dans les colloques

et les entretiens, avec sa barbe et sa pipe, comme celui qui apportait le micro-événement dans la routine d'une discussion ronronnante, éclairait — fusse d'un faux- jour — la situation, renouvelait les points de vue, et fournissait les citations. Déjà, les principales maisons d'éditions, les revues, les universités, s'intéressaient à lui, à sa participation et les honneurs commençaient à lui parvenir.

Symboliquement — pour ceux qui aiment les symboles, seraient-ils futiles — il est mort sur le coup, dans un accident d'automobile en rentrant en Allemagne sur une autoroute à la frontière tchèque : la mort idéale pour un philosophe.

Dans son long séjour au Brésil en sa magnifique maison de Sâo Paulo, il avait laborieusement reconstitué une bibliothèque européenne, universaliste, fondamentale, où la philosophie confinait à la science, à tout le moins par sa préoccupation du rôle qu'avait la science dans ce qu'on eut appelé la « nouvelle pensée » — à défaut de l'appeler la pensée nouvelle. Son attitude volontiers contestataire — bien avant les superficialités de 1968 — l'avait conduit à connaître à fond la pensée de l'École de Francfort, non seulement dans les textes américains où celle-ci a recommencé à s'exprimer en dehors de l'Allemagne à l'époque obscure, mais dans des auteurs qui, peu à peu, maintenant reprennent la place centrale dans le mouvement des idées : Martin buber, Gershon scholem, et surtout, d'Hanah ahrendt : on se souvient d'un cours éblouissant à Metz sur la philosophie de l'espace dans la cité grecque, entièrement basé sur la glose d'Hanah ahrendt, mélangée sans scrupules avec des citations du mystique Angélus silesius (« Gott ist ein Lauter nichts »>...).

Ceux qui l'ont connu se souviendront de cet art de la « monstration », de son talent

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