La Géographie Est-elle une Science Politique ?

MAURICE LE LANNOU

Ci EST avec bien de l'embarras, ayant peu de goût pour les disputes entre sciences, que je m'engage ici dans la défense et l'illustration d'une spécialité qui est de surcroît la mienne. Comme une religion se grandit ou se discrédite selon l'attitude de ses fidèles, un exercice intellectuel ne mesure sa dignité qu'à la correction de ses démarches et à ses fruits. Il m'apparaît pourtant remarquable que. dans le laborieux édifice des programmes destinés à former et à choisir les plus éclairés des citoyens, la géographie jouisse d'une faveur si mesurée. Devenue autonome dans l'Univer- site par l'attribution d'une licence et d'une agrégation personnelles, elle n'en a point, pour autant, forcé la porte des sciences politiques. Diminuée à l'entrée de l'Ecole Nationale d'Administration, elle est suspecte à l'administrateur et au diplomate. Cette exaltation scolaire, d'une part, cette perte de crédit dans la cité, d'autre part, ne sont-elles pas curieusement parallèles ?

Le discrédit où la géographie semble tomber n'est pas total. On veut bien la tenir du moins pour une connaissance liminaire, indispensable au stade primaire de l'information. Il est admis qu'un sous-préfet et un consul doivent connaître les conditions de la culture indigène et de la plantation dans la zone chaude, les fondements économiques de la Grande-Bretagne, le surpeuplement italien, les productions brésiliennes et les trafics marchands dans les grands canaux transocéaniques. Il convient surtout de ne pas broncher sur les localisations, ni sur les ordres de grandeur. Le bagage exigé prend la forme d'un compendium de géographie régionale squelettique ou étonnamment gonflé selon la réticence ou le zèle du

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