Paul OURLIAC

LE PAYS DE LA SELVE A LA FIN DU XIIe SIÈCLE

Le pays entre Tarn et Viaur est toujours demeuré à l'écart des grands axes routiers. Le relief même conduit au particularisme et paraît commander l'organisation sociale et politique du pays. Les ont creusé des gorges aux parois raides, couvertes d'arbres et de broussailles. Les plateaux, que dominent de petites eminences les puechs, sont le domaine du seigle et du châtaignier; des combes les séparent. Et ce relief même isole chaque terroir. Aujourd'hui encore, chaque hameau est comme replié sur lui-même, chaque maison de ferme commande un versant; mais, si l'horizon de chaque terroir est borné et si ses limites sont comme inscrites sur le sol, le pays est dominé par quelques buttes rocheuses dont la vue s'étend fort loin : telle, par exemple, la tour de Peyrebrune, vers Alrance, haute de 890 mètres, telles encore les buttes de Courviale, de Castelpers ou de Gozon.

A l'époque carolingienne, le pays fut comme coupé du dehors et chaque vallée dut se fermer sur elle-même. En 793, les dévastations des Sarrasins furent assez graves pour qu'Ermold le Noir les mentionne. En 864, les Normands auraient été taillés en pièce vers Connac, au confluent de l'Alrance et du Tarn. Le comte de Toulouse, maître théorique du pays, est éloigné et impuissant. Hors de sa cité, l'évêque ne paraît avoir joué qu'un rôle fort médiocre.

Les habitants durent subir, politiquement et économiquement, les dominations locales. Un texte du Liber miracndorum Sancte Fidis qui doit dater de 1010, décrit la demeure d'Amblart de Castelpers comme un véritable château fort : les murs de l'oppidum sont bâtis sur le rocher. Du côté le plus accessible sont les locaux d'habitation destinés aux serviteurs (oppidanorum mansi). Le donjon est bâti sur un escarpement, le seigneur y réside avec ses familiers; il y détient ses otages ou ses prisonniers, celui, par exemple, que sainte Foy devait délivrer. Le château étant bâti au confluent du Céor et du Giffou, les Castelpers dominent les deux vallées; mais ils doivent compter avec les familles de Cassagnes et d'Alban. Dans la vallée de