Couverture fascicule

Picasso de l'image à la lettre, par F.-P. Jouffroy et E. Ruiz

[compte-rendu]

Année 1982 52 pp. 126-127
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Jean-Pierre Jouffroy et Edouard Ruiz

PICASSO DE L'IMAGE A LA LETTRE

Temps Actuels, Messidor, 1981. Après avoir lu cet ouvrage, que de sentiments contradictoires n'ai-je pas ressentis ! Tout d'abord, la satisfaction : une remarquable recherche iconographique qui ne manquera pas d'attirer tout amoureux de Picasso ainsi que ces «fous de la. lettre» qui trouveront dans ces reproductions mille raisons de s'enthousiasmer. Et ensuite le fiel : eu égard au prix d'achat (au demeurant fort élevé !) n'était-on pas en droit d'exiger une qualité parfaite ? N'était-il pas possible, pour le moins, d'éviter coquilles, erreurs typographiques, reproductions inversées ? Quant au texte, il me laisse un brouillard d'impressions mitigées. Balzac disait que « les titres sont souvent d'effrontés imposteurs ». Il n'avait, hélas, pas tort ! Il m'aura fallu attendre la soixante-neuvième paqe pour entrer dans le vif du sujet après m'être heurté à un discours qui m'a semblé d'un goût parfois douteux. Mais peut-être avais-je trop attendu d'un titre si prometteur...

Avant d'aborder la thèse centrale de l'ouvrage qui a trait à la lettre dans la peinture cubiste de Picasso, j'aimerais revenir sur quelques points à mon -sens importants. Le mépris sous-jacent du « pageux » dont l'expression, restreinte par une technologie contraignante, est ccmparée à la liberté de l'artiste peintre, qui « dessine fou », me

paraît être une excellente invitation à l'étude de l'art typographique et des relations qu'il entretient avec les arts plastiques et la poésie. Approche qui eut évité, si ce n'est des bévues, du moins quelques inexactitudes... (sans parler d'une idéologie elitiste fort déplaisante... mais là c'est une question de choix !). La lourdeur légendaire du plomb, la fixité du caractère mobile, qui ont été des facteurs déterminants dans le processus de « normalisation » de l'alphabet, ne sont pas, loin s'en faut, les seuls aspects de l'art typographique. C'est faire un sort un peu rapide à toute l'explosion créatrice qui s'est exprimée autour de la lettre quand elle ne le pouvait en son sein même. Il est en effet rare qu'une contrainte technique n'entraîne pas son propre dépassement. Par ailleurs, l'auteur nous dit que la lettre est « un objet intellectuel (...) un objet symbolique, c'est-à-dire un objet qui se passe presque d'existence matérielle (...) ». Mais, l'objet « a » peut-il vraiment, comme l'affirme Jouffroy, se passer de support ? Rien n'est moins sûr !

Maintenant que, dans la peinture cubiste, la lettre joue un rôle symbolique déterminant, voilà qui me paraît fort intéressant. La peinture cubiste a opéré une « démantibulation des formes ». Cette démantibulation exprime, selon Jouffroy, « la mobilité du peintre par rapport aux objets corporels », c'est-à-dire par rapport au réel. Or, dans cette déconstruction, « la lettre est pour Picasso le seul plan apte à visualiser les coordonnées spatiales » puisque c'est le seul objet non démantibulé. De ce fait, la lettre devient un plan symbolique de référence entre l'objet réel et la toile cubiste... qui le démantibule ! Il y a cependant, dans la peinture cubiste, une différence d'utilisation fondamentale entre la lettre et le mot. Jouffrcy remarque en effet que la lettre, « qui n'est pas d'ordre spatial mais de l'ordre du symbolique, (...) n'est pas sécable » contrairement au mot « qui désigne les choses, l'action ou la relation entre les choses (...) » et qui, lui, est « sécable ». Le mot est de ce fait susceptible d'être à son tour « démantibulé ».

Voici donc résumé brièvement l'intérêt central de ce livre : l'auteur aborde par la suite les provenances de la lettre dans les tableaux de Picasso : kiosques à journaux, produits d'utilisation courante, ainsi que leurs prix, citations de partitions musicales, etc., c'est la vie « au quotidien », le « sujet social » qui entre dans l'art pictural et fait « du plus humble le plus grand ». Et, comment ne pas être sensible à cette déclara-

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