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Le retrouvé et le perdu

[article]

Année 1982 36 pp. 3-6
Fait partie d'un numéro thématique : Roland Barthes
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Edgar Morin

Le retrouvé et le perdu

Brecht. Le nouveau roman. Le structuralisme. La sémiologie. Le Japon. Autant d'intérêts apparemment sans commune mesure sinon que chacun, à sa façon, postulait la nécessité de la distance. Dans le fond, Barthes croyait à la vérité du théâtre de Brecht, plus parce que celui-ci avait prôné et établi la distanciation de l'acteur face à son rôle que par adhésion au spectacle politique. De même, vingt années plus tard, il découvrait au Japon une civilisation « brechtienne » dans la révélation de tout un art de vie courtois et raffiné fondé sur la distance par rapport à soi-même et à autrui. Le structuralisme, lui, en promulguant la mise hors la loi du sujet, fournissait la légitimation de principe à la mise à distance de la subjectivité. Le nouveau roman, déjà, avait apporté de facto la liquidation du sujet dans la littérature. Mais finalement, pour Barthes, le nouveau roman n'était qu'une partie de la littérature et, pour communiquer avec toute la littérature, il lui fallut passer par l'étape sémiologique, qui permettait de communiquer avec le texte dans et par la mise à l'écart et du sujet écrivain et du sujet de l'écrit.

La distance était nécessaire à Barthes, personnellement, pour communiquer avec autrui, en préservant l'exorcisé (exorcisant le préservé), le sujet, dans le royaume dont on ne parle pas et dont autrui ne doit pas parler. Tout ce qui concernait l'existence subjective était pour lui indicible, soit trop précieux, soit impudique, obscène, peut-être honteux. Sa vie était constituée par cercles concentriques, le premier, celui de la relation mère-fils, sans doute la plus extraordinaire et émouvante que j'ai connue, et pour cela poursuivie dans sa plénitude jusqu'à une double mort presque synchrone. Ensuite, longtemps hermétique, le cercle des sens et de l'amour. Ensuite, les cercles d'amis, divers, non communicants les uns les autres, mais chacun ayant le besoin constant de la présence de Roland Barthes.

Car là était le phénomène étonnant : la présence dans la

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