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Stratégies matrimoniales et choix d'objet incestueux

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Dot, diplôme, liberté sexuelle, prénom

Fait partie d'un numéro thématique : Stratégies de reproduction
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STRATEGIES MATRIMONIALES ET CHOIX D'OBJET INCESTUEUX

«Nous avons jusqu'ici laissé aux poètes le soin de nous dépeindre les 'conditions déterminant l'amour' d'après lesquelles les hommes font leur choix d'objet et la façon dont ils accordent les exigences de leurs fantasmes (Phantasie) avec la réalité. Et de fait les poètes ont des qualités leur permettant de venir à bout d'une telle tâche : avant tout une fine sensibilité, qui leur fait percevoir les mouvements cachés de l'âme d'autrui, et le courage de laisser parler leur propre inconscient. Mais, du point de vue de la connaissance, quelque chose vient diminuer la valeur de ce qu'ils nous communiquent. Les poètes sont tenus de provoquer un plaisir intellectuel et esthétique ainsi que certains sentiments déterminés ; aussi ne peuvent -ils représenter la réalité telle quelle, sans l'avoir modifiée ; ils doivent en isoler certains fragments, détruire des rapports gênants, tempérer l'ensemble et combler les lacunes. Tels sont les privilèges de ce qu'on appelle la 'liberté poétique'. En outre, ils ne peuvent montrer que peu d'intérêt pour l'origine et le développement des états de l'âme qu'ils décrivent sous une forme achevée. Dès lors n'est-il pas inévitable que la science, avec sa main plus lourde et pour un plaisir esthétique moindre, s'occupe de ces sujets qui, élaborés par les poètes, enchantent l'humanité depuis des millénaires. Ces remarques peuvent servir à justifier notre intervention de soumettre la vie amoureuse elle-même à un traitement rigoureusement scientifique. La science ne constitue-t-elle pas le plus parfait renoncement au principe de plaisir dont notre travail psychique soit capable ?»

S. Freud, La vie sexuelle.

On a essayé de le montrer ailleurs (1), les pratiques matrimoniales obéissaient à Karpathos, tout comme d'ailleurs les pratiques éducatives ou d'appellation, à des stratégies de reproduction : on se mariait selon son rang, défini par l'importance du capital économique et symbolique (2) possédé. Si, pourtant, l'endoga- mie de classe n'était pas parfaite, c'était du fait, notamment, de l'intervention de facteurs secondaires (beauté, statut de veuf...) qui affectaient la valeur d'un individu sur le marché matrimonial. C'était aussi qu'on pouvait modifier la valeur qu'une jeune fille tenait d'une haute origine sociale. En la «volant» à ses parents, si elle était consentante, ou en déclarant qu'on l'avait embrassée, ce qui pouvait être vrai ou faux, on la compromettait, ce qui, dans cette société obsédée par la vertu des femmes, équivalait à détruire sa valeur et en définitive à la mettre à sa portée. En dépit de ces exceptions, ce qui permettait généralement à la loi d'endogamie de classe de s'appliquer avec le maximum de rigueur, c'était que le mariage était moins l'affaire des individus directement con-

Constitution des dots et rapports entre frères et sœurs

1— Voir B. Vemier, Émigration et dérèglement du marché matrimonial, Actes de la recherche en sciences sociales, 15, juin 1977, pp. 31-58 et La circulation des biens, de la main- d'œuvre et des prénoms à Karpathos, Actes de la recherche en sciences sociales, 31, janvier 1980, pp. 63-87.

2— Pour être efficaces, les stratégies de reproduction devaient notamment tenir compte, par exemple, de la distribution des sobriquets héréditaires dans l'espace social. A ce sujet, cf. B. Vernier, Classes sociales, ordre de naissance, sobriquets et stratégies matrimoniales à Karpathos in : Stratégies et prestations matrimoniales , J. Peristiany (ed.), à paraître.

cernés que celle de leur famille respective. Le pouvoir de décision revenait aux parents.

Mais plus encore que l'origine sociale, ce qui déterminait la valeur matrimoniale d'un individu, c'était, du fait du système de transmission des biens, son ordre de naissance. On s'en souvient, les biens se transmettaient de façon bilinéaire. Dans chaque famille, la première-née des filles héritait des biens de sa mère et le premier-né des garçons des biens de son père. Le système des appellations qui leur donnait respectivement le prénom de la grand-mère maternelle et celui du grand-père paternel faisait d'eux les représentants officiels des lignées maternelles et paternelles et légitimait leurs droits exclusifs sur les patrimoines correspondants. En permettant la sauvegarde de l'intégrité des patrimoines masculins et féminins, les stratégies successorales des lignées faisaient partie des stratégies de reproduction par lesquelles c'était en définitive l'ordre social lui-même qui trouvait à se reproduire.

Ainsi la classe sociale et l'ordre de naissance (ou plus précisément l'origine du prénom) déterminaient pour une part importante la valeur statutaire des individus, celle qu'ils devaient à leur naissance. L'âge au mariage était, pour les femmes, un des indices les plus sûrs de cette valeur. Elles se mariaient d'autant plus précocement qu'elles disposaient dès la naissance d'un capital économique et symbolique plus important. C'est ainsi, par exemple, qu'entre 1905 et 1945, l'âge au mariage des aînées Canacares était en moyenne de 17,1 ans contre 26,3 ans pour les quelques cadettes de bergers qui arrivaient à trouver un conjoint. A l'exception des cadettes privilégiées qui avaient pu hériter (par exemple, deuxième-née dans une famille sans garçon (3) ) et qui, pour cette raison, étaient assimilables à des aînées, les autres cadettes ne devenaient mariables, et ce n'était le cas que d'une minorité, que lorsque leur famille avait pu économiser de quoi les doter. Or cela prenait d'autant plus de temps qu'on commençait par économiser pour l'aînée

3— C'est surtout dans la haute classe (Canacares et paysans moyens) que la deuxième-née, qui a le nom de la mère de son père, était avantagée par rapport aux autres cadettes sur le marché matrimonial et ce n'est vrai que pour les femmes nées avant 1925. Les taux de célibat étaient alors, respectivement pour la deuxième- née et les autres cadettes, de 33,3 % et 50 % chez les Canacares, de 41,1 % et 50 % chez les paysans moyens, de 58,5 % et 64,7 % chez les paysans pauvres et de 87,5 % et 55,5 % chez les bergers.

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