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DU MARCHE bernard vernier
MATRIMONIAL
«Le père de ma grand-mère maternelle avait quatre filles : Achondoula, qui était ma grand-mère, Mangafoula, Marinia et Ernia. Achondoula était l'aînée et décidait de tout. C'était une canacare, aussi ne travaillait-elle jamais elle-même ses champs. De temps en temps, elle prenait des ouvrières, mais la plupart du temps c'était ses soeurs, même après leur mariage, qui travaillaient sa fortune. Surtout Ernia, qui ne s'est jamais mariée et est restée son esclave jusqu'à sa mort. Un jour Mangafoula, qui était célibataire à l'époque, a demandé l'aide d'un homme pour charger son mulet et celui-ci en a profité pour l'embrasser. Ça s'est su. Or, le type était déjà marié. Quand le mari d 'Achondoula, qui était le président du village, a appris ça, il a déclaré en public : celui qui a fait perdre sa valeur à ma belle-soeur, je vais le détruire. Un berger qui avait assisté à la scène s'est dit : moi, maintenant, je vais pouvoir l'épouser. Ses soeurs l'ont encouragé et sont allées voir Achondoula : ta soeur n'a plus de valeur, nous on la prend dans notre maison et on sera ses esclaves. Achondoula, qui ne savait que faire, a fini par accepter. Comme elle prenait une fille de canacare, la famille du berger a apporté plein de cadeaux. C'est seulement quand elle les a vus, là, amassés devant sa maison, qu 'Achondoula, tout d'un coup, s'est rendue compte de ce qu'elle avait fait : moi, devenir parente avec ces gens-là, les avoir dans ma maison, manger avec eux, les avoir toujours fourrés à côté de moi à la fête, jamais ! Alors, le démon s'est réveillé en elle et elle s'est mise à hurler : Dehors ! tout le monde ! Remportez vos moutons.
votre beurre et votre fromage î II n'y aura pas de mariage ! La tension était vive mais les bergers avaient peur de répondre. A la fin, une soeur du prétendant s'est interposée : Ces gens n'étaient pas pour nous ; ils ont raison de nous mettre à la porte. Et ils sont tous repartis. Mais dans le village, tout le monde appelait Mangafoula la baisée' et c'était une guerre continuelle entre les deux familles. Pour la faire cesser, on a marié Mangafoula avec le frère cadet de celui qui l'avait embrassée. Comme elle était la belle-soeur du président, les Turcs ont mis le coupable en prison et quand il est passé, attaché, Achondoula, qui était une femme dynamique, lui a envoyé de la merde à la figure. Encore maintenant, on appelle cette famille les mangeurs de merde'. Mais il y avait un troisième frère dans cette famille. Sa femme voulait le quitter mais lui s'est fait curé pour l'en empêcher. Comme elle était riche, elle est quand même partie avec son amoureux, tout en restant vivre ici ! Le curé avait tellement honte qu'il a quitté le village. Au moment des tractations pour le mariage de Mangafoula il est revenu et lui a donné une grande partie de sa fortune. Depuis, il a vécu ici. Voilà. En nous racontant ça, notre grand-mère nous a dit : Je vous raconte cette histoire, pour que vous sachiez bien qui sont vos amis et qui sont vos ennemis... Pour vous dire le prestige de notre lignée, quand elle a accouché de son premier fils, la sage-femme a répondu aux gens qui demandaient de quel sexe était l'enfant : Peu importe ! Il suffit qu'il soit de la lisnée S...».
