MÉTHODE D'INTERPRÉTATION DES SOURCES NON NOMINATIVES PAR LA CONSTRUCTION DE MODÈLES
par Jacques DUPAQUIER
Les sources statistiques anciennes sur lesquelles la démographie historique fonde ses analyses ne doivent pas grand-chose à la curiosité scientifique : elles répondent à des soucis d'ordre fiscal, militaire, reli¬ gieux, etc.
Quelle que soit l'ingéniosité des techniques inventées pour en tirer le maximum de renseignements, nous ne pouvons espérer tout en apprendre sur les paramètres et les mécanismes fondamentaux des populations anciennes. La technique de reconstitution des familles a permis de faire des progrès considérables en ce sens, mais la complexité et la lenteur des opérations limitent beaucoup la masse de nos infor¬ mations : même pour la fécondité, nous ne connaissons bien que la fécondité légitime des populations rurales stables; nous sommes encore ignorants de celle des grandes villes et de la population flottante. Il en est de même pour la mortalité, qui n'avait peut-être pas au xvip et au xviue siècle la même structure qu'aujourd'hui.
Les sources non nominatives fournissent une information beaucoup plus étendue, mais moins adéquate : jamais elles ne permettent de saisir directement les grands facteurs du mouvement de la population : fécondité, mortalité et nuptialité. Dans le meilleur des cas, on peut en tirer des «sous-produits démographiques » (que nous désignerons désor¬ mais par le terme de «données secondes ») : niveau, variations et répar¬ tition géographique de la population; mouvement mensuel et annuel des mariages, des naissances et des décès; statistiques brutes d'âges au mariage et au décès ; listes de migrants ; éléments de pyramides ; taille et structure des ménages. Il est d'ailleurs tout à fait exceptionnel de disposer simultanément de toutes ces informations avant le xixe siècle.
Leur analyse est d'autant plus délicate qu'elles comportent souvent des erreurs aléatoires ou systématiques difficiles à déceler, phis diffi¬ ciles encore à corriger (mais ceci est une autre histoire, que d'autres ont déjà racontée ou raconteront quelque jour). Même si elles étaient pures, ou épurables, elles ne nous permettraient pas de remonter aux para-