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Le Iudeus du Jeu de saint Nicolas dit de « Fleury » [Contribution à l'étude de l'image du Juif dans la littérature médiévale ]

[article]

Contribution à l'étude de l'image du Juif dans la littérature médiévale

Année 1973 16-63 pp. 221-226
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Le ludens du Jeu de saint Nicolas dit de " Fleury "

Contribution à l'étude de l'image du Juif dans la littérature médiévale

Au théâtre médiéval s'attache bien souvent une réputation d'antisémitisme virulent : les « mystères » du xve s. justifient assez cette opinion, mais en est-il de même des œuvres plus anciennes? A vrai dire, étudiant les textes écrits jusqu'au xme s. nous n'avons guère relevé de portraits injurieux à l'égard des Juifs, ni de propos diffamatoires à leur endroit1, mise à part, peut-être, une exception, dont nous nous proposons de faire ici l'examen. Nous voyons en effet apparaître un Juif dans un « drame liturgique » (il vaudrait sans doute mieux dire un Jeu à sujet religieux) du xne s., Ylconia Sancti Nicolai2. Comment ce juif y est-il décrit, ses traits sont-ils systématiquement caricaturaux ? Nous nous proposons de répondre à ces questions, mais le fait même que nous les ayons posées témoigne que l'interprétation des quelques données fournies par la pièce n'est pas tellement évidente, pour qui les examine sans parti pris.

Le Jeu dont nous parlons figure dans un manuscrit particulièrement riche pour l'art dramatique3, puisqu'il nous fournit un ensemble de dix pièces, relativement brèves, mais témoignant toutes d'une conscience dramaturgique nette, et constituant assurément un progrès dans l'affranchissement du Jeu dramatique par rapport à la liturgie. Il s'agit, d'une part, d'un groupe de mises en scène d'épisodes traditionnellement traités depuis les ixe-xe s. (Visitatio Sepulchri, Peregrinus, Officium Stelle, Ordo Paschalis) et, d'autre part, de sujets moins fréquemment représentés : deux tirés du Nouveau Testament (Conuersio Sancti Pauli, Resuscitatio Lazari) et un ensemble de quatre « Miracles de saint Nicolas » (Très Filie, Très Clerici, Filius Getronis, Iconia Sancti Nicolai). Il semble que ce manuscrit soit une compilation copiée peut-être à Saint-Iyomer de Blois, « centre de culture bénédictin » dans une cité qui connaît au xne s. un certain essor intellectuel4.

U 'Iconia Sancti Nicolai met en scène un Juif (Iudeus) qui, ayant confié à une statuette (Iconia) de

1. Cependant quelques œuvres mettent en scène des Juifs : la troisième partie du Jeu d'Adam, qui est une version du « défilé des Prophètes », développe l'épisode consacré à Isaïe en un dialogue entre le prophète et un Juif incrédule, qui n'est pas sans rappeler l' altcrcatio judéo-chrétienne (v. 883-916, éd. Noomen, « Class. franc, du moyen âge » 99, Paris, 1971, p. 71-73); le fragment conservé de la Résurrection anglo-normande, qui aurait pu être particulièrement violent à l'égard des Juifs (il suffit de comparer les scènes correspondantes des textes du xve s.) se contente de mettre en scène pendant quelques vers (éd. Jenkins-Manly... Oxford, 1943, v. 356-9) un prêtre, « I,évi », avec une légère parodie de la sortie du rouleau de la Iyoi (Veez ici la lei que Moises fist) ; reste enfin, dans le Miracle de Théophile, de Rutebeuf, plus tardif, le personnage de Saladin, dont l'identité n'est pas très claire : son nom cependant suggérerait une appartenance « sarrazine », et le charabia qu'il prononce pour appeler le Diable (éd. Faral-Bastin des œuvres de Rutebeuf, t. II, p. 185, vers 160-168) ne semble pas être du « pseudo-hébreu » (voir la notice de l'éd. citée, p. 175 : contra G. Cohen dans le commentaire de ces vers de son étude sur le Miracle) .

2. Éd. du texte : E. de Coussemaker, Drames liturgiques du moyen âge, Rennes, 1860, p. 109-122 (texte et musique, sous le titre « le Juif Volé »); K. Young, The Drama of the Médiéval Church, Oxford, 1933, t. II, p. 344-348; O.E. Albrecht, Four Latin Plays of S. Nicholas, Philadelphie, 1935; G. Tintori-R. Monterosso, Sacre rappresentazioni nel manoscritto 201 délia BM di Orléans, Crémone, 1958 (reprod. du ms., et transe, du texte et de la musique). Nous renvoyons ici à l'éd. Young.

3. Ms. 201 de la Bibl. Munie. d'Orléans, Miscellanea Floriacensia (xine s.). On a longtemps admis que ce ms. était originaire de Saint- Benoît -sur-Iyoire (Fleury). S. Corbin (voir n. 4) a démontré que cette origine était improbable.

4. Mais de sinistre mémoire dans l'histoire juive (voir la fin de l'étude). Cette origine a été suggérée par S. Corbin dans son étude Le ms. 201 d'Orléans, drames liturgiques dits de Fleury, « Romania », LXXIV, 1953, p. 1-43. Ce n'est cependant qu'une hypothèse, qui pourrait être infirmée justement par la peinture du Juif.

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