Joachim WOLLASCH
Les obituaires, témoins de la vie clunisienne*
I - Le témoignage nécrologique dans son évolution médiévale
« Les obituaires, témoins de la vie clunisienne », n'y a-t-il pas dans ce titre même une contradiction ? Des obituaires, témoins de la vie ? Ce n'est que dans la mesure où cette contradiction a vraiment existé que nous sommes aujourd'hui intéressé par l'étude de ces documents médiévaux. Avant d'aborder notre sujet, nous étudierons la signification des obituaires dans l'ensemble des sources médiévales.
D'après L. Génicot dans sa Typologie des sources du moyen âge occidental1, les obituaires font partie des « documents nécrologiques ». Parmi ces documents, citons les diptyques, tableaux en cire des communautés de premiers chrétiens, dans lesquels sont gravés les noms de leurs membres, vivants et morts2. Citons aussi les libri vitae ou libri memoriales3, où sont inscrits les noms des élus selon l'expression biblique du livre céleste de la vie : noms des abbés et moines, vivants et morts, de leurs parents, des bienfaiteurs ecclésiastiques ou laïques, de toutes les personnes considérées comme membres de la communauté dont on veut se souvenir dans la liturgie.
Pour être admis à la commémoration au même titre que les moines de cette communauté, des rois, évêques, ducs, comtes et laïques moins puissants concluaient des associations avec les moines, les priant de leur accorder, moyennant des dons, la socielas et fraternitas*. Ces confraternités ou associations spirituelles étaient conclues surtout entre des communautés ecclésiastiques, abbayes, églises cathédrales et chapitres collégiaux. De tels contrats, ainsi que les listes contenant les noms des communautés et des personnes associées, ont été rédigés dans divers monastères et forment un autre groupe de documents nécrologiques.
Pour réaliser pleinement les engagements liturgiques et promesses de charité qui liaient les associés entre eux, un bon système de communication était nécessaire. Des messagers qui
* Cette étude correspond au texte des trois conférences données au Centre d'Études supérieures de civilisation médiévale de l'Université de Poitiers au cours de l'été 1978. Je remercie de la traduction française les docteurs W. D. Heim et D. Poeck, ainsi que mon collègue le professeur C. Heitz qui a bien voulu la revoir.
1. L. Genicot, Typologie des sources du moyen âge occidental, IV : Les documents nécrologiques, par N. Huyghebaert, Turnhout, 1972.
2. Cf. récemment O. G. Oexle, Memoria und Memorialùberlieferung im frùheren Mittelalter, « Frùhmittelalterl. Stud. », X, 1976, p. 71 et ss.
3. K. Sciimid et J. Wollasch, Die Gemeinschaft der Lebenden und Verstorbenen in Zeugnissen des Mittelalters, ibid., I, 1967, p. 365-405.
4. Id., « Socielas et fraternilas ». Begrùndung eines kommentierten Quellenwerkes zur Erforschung der Personen und Personengruppen des Mittelaliers, Berlin/New York, 1975 (réimpr. dans les « Frûhmittelalterl. Stud. », IX, 1975, p. 1-48).
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